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Cybernétique artisanale

Je viens de sortir Granar, une pièce minimale et contemplative, extraite d’un patch génératif au synthétiseur modulaire Serge :

Parmi mes diverses pratiques musicales, j’aime mettre en place des patches génératifs, utilisant des conditions, des portes logiques et des relais de déclenchements, jouant avec le hasard aussi, ainsi que des boucles de réinjections (feedback).
Que ce soit dans max/MSP, avec des synthétiseurs analogiques et/ou modulaires, je me suis pris bien des fois à inventer ces formes ouvertes, paysages sonores évolutifs, interprétés par le dispositif, me mettant dans un état de contemplation et de surprise.

Régulièrement, il m’arrive de laisser ces paysages évoluer pendant plusieurs jours chez moi, créant une installation sonore domestique – je la laisse parfois en fond la nuit, alors que je dors.
Je ne les enregistre pas systématiquement – seulement lorsqu’ils me semblent particulièrement réussis, et si j’en ai le temps ; certains patches restent donc des pièces éphémères.

Parmi celles enregistrées, j’en ai déjà édité quelques-unes :

Curar (2013), Laca (2021) et aujourd’hui Granar (2024) sont les plus représentatives et forment une série – à suivre !
On peut aussi classer Puramu et Alma (tous deux composés en 2013) de l’album Nèva, la série Taur – Kêr-Iz – Китеж (2012 – 2022) ainsi qu’Anse St-Martin et Écalgrain de l’album Treize Vents – et autres lieux (2024) dans la même famille, bien qu’ici présentés sous formes d’extraits plus courts.

Pour qui n’aurait aucune idée de ce que je raconte, on peut faire le lien avec les standards téléphoniques des deux siècles précédents : en branchant un câble, on change le circuit électronique, mettant en contact deux parties précédemment isolées l’une de l’autre.


C’est le principe du synthétiseur modulaire, où l’on crée un synthétiseur éphémère, le temps du patch (ou branchement), mais ici poussé vers l’autonomisation et l’autorégulation : durées, hauteurs et timbres plus ou moins aléatoires, évènements inter-conditionnés (par exemple : la fin d’un son généré par une partie du circuit déclenche le changement de vitesse d’une autre partie du circuit), etc.

Alors que je pratiquais tout ça depuis longtemps, l’ami Vincent Goudard m’a informé que c’était déjà algorithmique. Je n’y avais pas pensé !
Plusieurs années plus tard, je suis tombé sur l’excellente série de vidéos « Cyberetics » par La Synthèse Humaine.
Stupéfaction : je faisais de la cybernétique sans le savoir ! Outre le goût délicieusement désuet du terme, j’apprends que ce sont aussi les prémices de la désormais omniprésente Intelligence Artificielle. Voilà qui me donne à réfléchir, tellement son utilisation généralisée est délétère à bien des niveaux. Utilisant depuis longtemps le terme « génératif » pour qualifier ce travail, ça aurait pu me mettre la puce à l’oreille.

Bon, je rassure tout de suite qui lirait ce texte : je n’utilise aucune véritable IA pour mes patches et je ne fais travailler aucun data centre. Tout se passe entre mes idées, mes choix créatifs et l’intérieur de mon système modulaire – qui consomme moins d’électricité que mon frigo. Dans un futur indéterminé, j’aimerais un studio 100 % solaire, mais ça nous amènerait trop loin de développer cette idée ici.

Disons donc que c’est de la cybernétique artisanale.

On peut aussi relier cette attitude compositionnelle aux pistes ouvertes par John Cage, Iannis Xenakis, Terry Riley, Morton Feldman et bien d’autres avant moi : indétermination, stochastique, compositions ouvertes et jeu sur la durée et les perceptions temporelles.
D’un point de vue plus sensible et poétique, je me sens plus proche dans cette exploration des travaux d’Éliane Radigue, de Clara Levy ou de certaines pièces de Biosphere – comme Autour de la Lune. Feldman n’est jamais très loin non plus.

Je n’ai que trop rarement eu l’occasion de proposer ces travaux sous la forme de réelles installations sonores. J’avais pu en faire une il y a une vingtaine d’années à Poitiers dans une ancienne soufflerie, à l’invitation de l’association goto10 et en partenariat avec le collectif Neurosystem. C’était alors une version avec max/MSP, en quadriphonie. J’aimerais beaucoup installer une version avec un système modulaire analogique dès que l’occasion s’en présentera.

D’autres extraits sonores seront édités bientôt.

Ironiquement, durant la rédaction de ce texte, plusieurs robots m’ont demandé de prouver que j’étais bien un humain.

Talhièr

Il y a une douzaine d’années (en 2013), je commençais à assembler mon premier « vrai » synthétiseur modulaire.
J’avais une autre douzaine d’années de modulaire virtuel derrière moi (VAZ modular, Audiomulch, Reaktor, Pure Data, max/MSP, etc.) et j’étais très excité par cette nouvelle étape tout en n’étant pas complètement certain de l’avantage amené par ce choix.
Tout de même, des années d’ordinateur m’avaient procuré (outre des heures d’expérimentations, d’apprentissage et de création) une sciatique chronique carabinée. Je me disais que, peut-être ça aiderait. Et puis j’avais envie de sortir de l’écran.
Ce qui a suivi a largement dépassé mes attentes : c’est comme si je redécouvrais que j’avais un corps. Je me suis mis à beaucoup plus jouer ma musique. J’explorais plein de nouveaux rapports au son électronique et aux façons de le fabriquer.
J’avais une pratique de l’improvisation libre que j’avais aussi abordé avec max et un contrôleur MIDI, mais là, j’avais la main sur tout un tas de paramètres et pouvais changer mon patch en cours d’improvisation. Je sentais presque l’électricité sous mes doigts.

J’avais déjà tenu un journal sonore avec ma série intitulée Matins (où j’enregistrais chaque jour le paysage sonore du lieu où je me réveillais) et j’en avais de bons souvenirs.
Repensant à cette traversée et au conseil de Pierre Schaeffer, « travaille ton instrument ! » je me suis lancé dans ce nouveau journal improvisé, moins long cette fois (un mois, contre un an de matins).
Je postais ces improvisations quotidiennement.
Les voici ici en intégralité :

Plus tard, j’ai branché un tambourin à cordes dans le synthé (merci Pairbon!), puis ai commencé à chanter et enfin à violonner. Je traînais depuis longtemps avec des musiciens traditionnels, jouant de l’électronique avec eux (Familha Artús, Joan-Francés Tisnèr et Peìre Boissière) mais c’est réellement cette pratique du jeu direct avec mon modulaire qui m’a fait passer le pas de jouer moi aussi ces musiques, continuant à les mêler d’électronique.

VHS / Núvol de Fum

Ma pièce « VHS », composée d’après mes souvenirs de la série Twin Peaks, a été diffusée dans Núvol de Fum, émission de radio catalane consacrée à l’ambient et aux musiques électroniques minimalistes et expérimentales.

Vous pouvez (ré)écouter l’émission ici :

Gruas

Le 7 mars dernier, j’étais en train de ranger le matériel de prise de son à la fin de l’enregistrement d’un disque qui sortira à la rentrée prochaine quand j’ai entendu au loin les grues en train de revenir du sud.
Je me suis dépêché de sortir les micros dans la cour.
Les arbres et les toits s’égouttaient après une belle averse.

Villes Fantômes

http://fukushima-open-sounds.net/geomedia/villes-fantomes-francois-dumeaux-8-2014/

« Villes Fantômes », 8’00 » (2014) :

En 2011, lors du tsunami et de la catastrophe nucléaire qui en a découlé, j’ai composé イカルス (Ikarusu), en réaction au trop plein d’émotion et parce que je ne savais pas bien que faire d’autre.

Aujourd’hui, la catastrophe nucléaire n’est pas terminée : la radioactivité est là pour longtemps et de l’eau contaminée continue de s’échapper de la centrale.
Comme lors de la catastrophe de Tchernobyl, des villes, des maisons ont été abandonnées.

J’ai pensé cette nouvelle pièce comme un écho ou une séquelle de celle de 2011.
Nous ne sommes plus dans l’irruption du tragique : rien de spectaculaire ici, mais de la durée, de l’omniprésence diffuse, du parasitage.

Les formes et les matériaux ont volontairement été réduits au plus simple – les seules sources sonores ont été un EMS Synthi AKS et les longues ondes radiophoniques.

patch génératif pseudo aléatoire

patch generatif / generative patch from druc drac on Vimeo.

fr. :
Un patch génératif qui joue de la réinjection et de l’inter-modulation.
Aucun paramètre n’est changé manuellement pendant cette séquence.
Aucun module générateur d’aléatoire n’a été utilisé (voir liste des modules actifs ci-dessous).
Juste pour s’amuser !
en. :

A generative patch exploring feedback and inter-modulation.
No manual tweaking.
No random generating module was used here (see the modules list below).
Just for fun!

modules : DPO, Moddemix, Maths, Function, 4ms PEG, Tiptop BD808, 4ms VCA Matrix.

expok

ceci est un enregistrement joué en direct, en une seule prise, sans rere ni édition ultérieure.
ce morceau a été produit en utilisant uniquement mon système modulaire eurorack – excepté pour le delay et la reverb, ajoutés dans Ableton Live lors de l’enregistrement.

this is a live recording, one take, no overdub, no post edition.
this track was made using only my eurorack modular synth – except for delay and reverb, added on the fly in Ableton Live.

redkosh

je viens d’apprendre avec plaisir que j’étais déclaré vainqueur ex-æquo avec Vndl du concours de remixes de redkosh lancé par nebulo.
je suis ravi, d’autant plus que je me suis régalé à faire cette version.
tous les sons additionnels sont issus du minibrute.
j’ai vraiment aimé me balader dans ce paysage pendant deux jours.

イカルス – Ikarusu (2011)

イカルス – Ikarusu (2011) by François Dumeaux

Une composition pour exorciser la stupéfaction, l’hébétude et la fascination morbide, induites par les images diffusées en boucle, suite au séisme qui frappa le Japon le 11 mars dernier.

Un temps pour revenir sur cette folie de l’Homme : se doter d’une énergie et d’une puissance de destruction démesurées.

Cette pièce est dédiée aux victimes de l’atome, passées, présentes et – hélas – futures.

Le travail de composition s’est étendu du 19/03/2011 au 24/04/2011.

Ua composicion per exorcizar l’espanta, l’estabornida e la fascinacion morbida, indusidas peus imatges difusats en bocla, arron lo tèrratrem qui a tocat lo Japon lo 11 de març passat.

Un temps tà tornar sus aquesta holia de l’Òmi : dotà’s d’ua energia e d’ua poténcia de destruccion hòra mesura.

Pèça dedicada a las victimas de l’atòme – passadas, presentas e per viéner.

Tribalh de composicion deu 19/03/2011 tau 24/04/2011.

A piece composed to exorcise stupefaction, hebetude and morbid fascination induced by the infinite video loops broadcasted after the earthquake in Japan.

A time to think about this human madness : build a huge energy and destruction power.

Dedicated to nuclear victims from the past, today and the future.

Composition work from 2011/03/19 to 2011/04/24